« Rien n'est plus en ordre qu'un cimetière. » (p.387)
- E. Galeano (1981), Les Veines ouvertes de l’Amérique latine,
Plon (collection Terre Humaine), Paris, 448 pages.
Découvrez l’histoire non-censurée de l’Amérique latine, depuis l’arrivée des Espagnols aux Bahamas en 1492 jusqu’à la deuxième moitié du XXè siècle.
Ce livre est une longue série de témoignages historiques qui font froid dans le dos, racontés dans un style parfois glacial, parfois à la limite du romanesque. Cet ouvrage de référence est fréquemment mentionné, le plus souvent hélas par des gens qui, semble t-il, ne l’ont jamais lu (ou seulement des extraits). Galeano n’était pas un homme consensuel, et le bilan qu’il dresse des crimes commis par les envahisseurs européens depuis leur arrivée en Amérique (le 12 octobre 1492) est à la limite de l’insoutenable.
L'encre utilisée pour imprimer le texte est noire, mais si Les Veines ouvertes de l’Amérique latine avait été l’œuvre d’un peintre, le tableau aurait été rouge sang. Promesses brisées, massacres organisés, révolutions écrasées, excuses inventées pour soulager les consciences coupables : l'histoire de l’Amérique apparaît sous un jour nouveau. Telle une top-modèle tirée du lit au milieu de la nuit, la "découverte du Nouveau Monde" se retrouve prise en photo sans son maquillage : sans lifting ou mascara, sans retouche historique ou propagande euro-américaine, les rides et le regard vitreux refont surface, en même temps que les trahisons, le pillage d’un continent et le génocide de dizaines de millions d’Indiens.
Ce livre est une tumeur inopérable qui s’est développée sur le cœur de l’histoire officielle. Tous les curieux, révoltés, passionnés d’histoire américaine, d’ethnologie ou d’économie politique gagneraient à prendre le temps de le découvrir en détail !
A propos de l'auteur :
Eduardo Galeano est né le 3 septembre 1940 à Montevideo, en Uruguay. Il rêve d'abord d'être footballer, puis s'oriente vers la religion : il finit par renoncer à cette voie et s'essaie à la peinture. Après un nouvel échec, il change de nouveau de carrière et se consacre pleinement à l'art qui le rend célèbre : l'écriture.
Il obtient des postes à responsabilité dans deux grands journaux uruguayens ("Marcha" et "Epoca") puis est expulsé de son pays par le régime dictatorial militaire qui prend le pouvoir en 1973. Galeano part alors travailler pendant trois ans en Argentine où il fonde la revue "Crisis". En 1976, le coup d'état du régime totalitaire de Videla le force de nouveau à l'exil. Il se réfugie en Espagne, où il demeure jusqu'en 1985, date à laquelle il peut enfin rentrer dans son pays.
Son œuvre est constituée de plus de 40 ouvrages, dont Mémoires du feu (1982-1986), Les Voix du Temps (2004), Miroirs (2008), etc. Le plus célèbre de tous reste Les Veines ouvertes de l'Amérique latine (Las venas abiertas de América Latina), qu'il finit de rédiger en 1971. Une traduction française sort en 1981, à la collection Terre Humaine de l'ethnographe Jean Malaurie.
De nombreuses personnalités connues d'Amérique latine sont citées dans le livre, ou ont été influencées par l'œuvre de Galeano : Ernesto Guevara (que l'auteur rencontra à La Havane alors qu'il écrivait le livre), Fidel Castro, Isabelle Allende (qui fuit le Chili en emportant avec elle un exemplaire des Veines ouvertes). En 2009, le livre refait surface sur la scène internationale quand Hugo Chavez (1954-2013), alors président du Venezuela, en offre un exemplaire à Barack Obama.
Galeano est mort le 13 avril 2015 à Montevideo, sa ville d'origine.
" Impuissant par sa fonction de servitude internationale, moribond à la naissance, le système a des pieds d'argile. Il se prend pour le destin et voudrait se confondre avec l'éternité. Toute mémoire est subversive, car elle est différente, et aussi tout projet d'avenir. On oblige le zombie à manger sans sel : le sel, un danger, pourrait le réveiller. Le système cherche son modèle dans la société immuable des fourmis. C'est pourquoi il s'entend mal avec l'histoire des hommes, en constante transformation. Et aussi parce que, dans l'histoire des hommes, chaque acte de destruction trouve tôt ou tard sa réponse dans un acte créatif. "
- (E. Galeano, 1981, p.389-390)
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- Chronique des Indiens Guayaki de Pierre Clastres (1972) ;
- Ishi de Theodora Kroeber (1968) ;
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Copyright@ Christophe Monplaisir 2016.
Texte et photo de Christophe Monplaisir, relu par Lucie Benoit.
Christophe Monplaisir (Genévrier) est membre fondateur du collectif l'Aventure Au Coin Du Bois. Il participe à la relecture et à l'écriture des Cahiers Pratiques&Sauvages, et est un des co-auteurs du Petit Traité Rustica des plantes sauvages comestibles. Il étudie l'ethnobotanique à l'université Lille 2.